Publié le 20/11/2014
Lille : Mlle Madeleine et Adrien, une belle histoire rendue possible par TA1AMI
Le rite, initié par l’association, est immuable : chaque mardi, à 15 h, Adrien Lebas, 19 ans, étudiant en LEA (Langues étrangères appliquées), quitte la Catho, direction la rue de Gand. À 16 h, il pousse la porte d’une des chambres du premier étage de la maison de retraite Natalie-Doignies, où Madeleine Philippe, 97 ans, l’attend.
Mardi, Adrien et Madeleine avaient rendez-vous. À peine le temps de frapper à la porte que Madeleine est déjà debout, prête à accueillir son jeune visiteur. « Ah, c’est l’heure d’Adrien ! », s’exclame-t-elle, un grand sourire aux lèvres, avant de serrer la main de l’étudiant. On n’en est pas encore aux embrassades, la relation est encore trop récente, mais on sent que le courant passe… De son sac à dos, Adrien sort le journal. La Voix du Nord ou La Croix, ça dépend des jours et de l’humeur de Mlle Madeleine. Ce jour-là, c’est La Voix. Adrien se met à lire. « Madeleine est alerte mais elle a des problèmes de vue et d’audition, confie-t-il. Alors, je lui fais la lecture. » Madeleine l’interrompt, pose des questions, sourit… « Il me tient au courant des événements de la vie, dit la vieille dame. Il me raconte ce qui se passe dans le monde. »
Le parcours de Madeleine
Pour le moment, le couple affirme ne pas évoquer de sujets trop personnels. Il n’empêche que Madeleine sait qu’Adrien est étudiant, qu’il n’a pas pu venir la semaine précédente parce qu’il était en vacances chez ses parents, et qu’Adrien connaît le parcours de Madeleine. Elle n’a jamais été mariée, elle a deux nièces qui viennent lui rendre visite régulièrement, elle est arrière-grand-tante depuis une semaine, une petite Joséphine, elle était formatrice pour les professeurs de catéchisme… « Discuter avec Madeleine, c’est comme recevoir un témoignage d’une autre époque », sourit Adrien.
Ce jour-là, justement, Madeleine a une surprise pour son visiteur : un livret qui raconte sa vie. « C’est une nièce qui me l’a apporté tout à l’heure. On le lira ensemble plus tard », promet-elle. « Au début, j’ai eu un léger doute… 97 ans et 19 ans, je me demandais de quoi on allait parler, se rappelle Adrien. Mais j’ai été très bien encadré par l’association et le reste est venu naturellement. » Madeleine acquiesce et, dans un grand éclat de rire, confirme : « On arrive à bien s’entendre ! Il est bien gentil, il parle bien, il parle même beaucoup ! »
La solidarité en mode associatif
Ils sont six, six amis regroupés autour de Jean-Jacques Derosiaux, à être à l’origine de la naissance de TA1AMI. « On a tous eu une expérience de la solitude, notamment par le biais d’Éliane Boet », raconte celui qui, aujourd’hui, préside la nouvelle association. Alors, qui est cette Éliane Boet, la muse de TA1AMI ? « C’était une dame âgée, aveugle et seule. On l’a suivie pendant de nombreuses années et elle était heureuse de dire à son entourage J’ai un ami . Sur son faire-part de décès, elle m’a d’ailleurs nommé mon ami », continue Jean-Jacques Derosiaux, visiblement ému.
Alors, quand la dame est partie, à l’âge de 87 ans, en janvier 2013, Jean-Jacques Derosiaux et son groupe d’amis ont décidé de mettre leurs compétences et leur temps libre au profit d’autres « Éliane ». « Avec elle, on avait pu constater qu’il y avait un vrai besoin. Alors, on a pensé à l’association. »
En septembre, TA1AMI était ainsi sur les rails. Quelques semaines plus tard, elle compte déjà une quarantaine de bénévoles, sans compter les six membres du bureau. Public ciblé : les personnes seules. « Qu’elles soient jeunes, étudiantes, vieilles, handicapées… Peu importe. On propose un ami bénévole qui visite la personne une heure par semaine. » Mais pas seulement car TA1AMI propose, également, de mettre la culture à disposition de tous. Il y a quelques jours, onze aveugles ont d’ailleurs été invités à assister à un concert de la Folia au Sébasto. En décembre, c’est une sortie à la cathédrale qui sera proposée. « L’objectif, c’est que les personnes seules ne le soient plus et qu’elles puissent intégrer la vie de la cité. Mais l’important, ça reste le quotidien et les visites. Le reste, c’est la cerise sur le gâteau. »
L’association recherche des bénévoles. Contact : 06 60 29 41 62. www.ta1ami.fr ta1ami@orange.fr
Mais qu’est-ce qui fait courir Adrien ?
On le sait : le bénévolat est en crise et les associations ont de plus en plus de mal à trouver des membres actifs. Encore plus à se renouveler puisque les jeunes seraient de moins en moins nombreux à s’impliquer. Alors, qu’est-ce qui a bien pu motiver un jeune étudiant de 19 ans à s’impliquer auprès d’une personne âgée ? Une envie de donner de son temps et la « tchatche » de Jean-Jacques Derosiaux.
« Je savais que je voulais faire dans le relationnel. Les enfants, les handicapés, les personnes âgées… Lors du forum des associations à la Catho, Jean-Jacques m’a fait du rentre-dedans ! Ça m’a bien plu, notamment parce que j’ai senti qu’il avait un besoin. » Et le jeune homme ne regrette pas, lui qui confie recevoir autant qu’il donne.
PAR FLORENCE PIAZZETA